HISTOIRE DE ND DE LEFFOND


Petite histoire de Notre-Dame de Leffond

L’histoire de Notre-Dame de Leffond est en cours de rédaction. Depuis 2019, beaucoup d’informations ont été récoltées, tant dans les documents d’archives que par les observations et analyses menées sur les bâtiments existants. Mais tous n’ont pas encore été exploités et d’autres investigations sont encore à venir.

La présente synthèse du 8 décembre 2021 est donc provisoire et elle repose sur un certain nombre d’hypothèses. Il s’agit donc de la consommer… avec modération ! Elle corrige bon nombre d'informations par rapport à la version précédente.

11ème - 12ème siècle – L’église de « Charcionay »

On estime que la première église de Leffond remonte à l'époque romane (peut-être 1067). Cette date approximative correspond au bâti de l’actuelle « nef » de la chapelle, où se trouve la Passion du Christ. À cette époque, cet espace est le sanctuaire de l’église primitive. La nef se trouve au niveau de la cave Est du bâtiment de l’ermitage et jusqu'au milieu des caves ouest. 
Cette nef est encore en partie observable sur la façade nord. L'église primitive devait être assez semblable à celle de Barésia, dont la nef a malheureusement disparu : Eglise saint Martin de Barésia

La première trace écrite d’une église à « Charcenet » date de 1230. Il s’agit alors d’une « chapelle » probablement desservie par un vicaire : le curé réside à Gy. Mais tous dépendent de l’abbaye de Corneux. En 1275, lors d’un impôt levé pour financer une croisade, la chapelle de « Charcionay » est répertoriée comme « Église » mais, trop pauvre, elle est exemptée. En 1293, la terre de Charcenne est vendue par Etienne d’Oiselay à l’archevêque Eudes de Rougemont.

Vraisemblablement, à cette époque, Charcenet/Charcionay était un village qui disposait de son église, dépendant plus ou moins de Gy et de l’abbaye de Corneux. Charcenne était un village distinct sans église ou simplement quelques moulins situés en contrebas. Les terres appartiennent à l’archevêque de Besançon, dont le château se trouve à Gy.

14ème - 15ème siècle – La transformation de l'église paroissiale en sanctuaire des archevêques

1428 - Le Saint-Sépulcre de Thiébaud de Rougemont

En 1396, la chevalerie française – dont font partie bon nombre de seigneurs franc-comtois – est écrasée à la bataille de Nicopolis. L’amiral Jean de Vienne (dont la femme est Jeanne d’Oiselay) s’y est particulièrement illustré en portant jusqu’au bout la bannière de Notre-Dame. La dernière croisade s’achève donc sur un échec sanglant. De ce fait, la noblesse occidentale est habitée par un désir de revanche : il faut reconquérir Jérusalem.
À cette époque Thiébaud de Rougemont est archevêque de Vienne en Dauphiné. Homme de (fort) caractère, grand voyageur, fidèle serviteur des ducs de Bourgogne, il est déplacé à Besançon en 1405. Homme de confiance du duc Jean-sans-Peur, il participe au concile de Constance, entre 1414 et 1418, et devient un fidèle soutien du Pape Martin V, qui devient son ami.

En 1421, le roi d’Angleterre Henri V et le duc Philippe-le-Bon, fils de Jean-sans-Peur, ont formé le projet de reprendre Jérusalem. Ils missionnent un dénommé Gilbert de Lannoy en Palestine pour y faire secrètement des relevés des fortifications des villes à conquérir. Ce dernier est de passage à Constantinople au début de l’année 1422, où se trouve un légat de Martin V. Or il se trouve que Thiébaud de Rougemont, accompagné par le chanoine Portier, (qui meurt au cours du voyage), fait un pèlerinage à Jérusalem la même année. Il n’est pas encore de retour à Besançon au printemps de l’année 1423. Le pèlerinage de Thiébaud en Terre Sainte a-t-il couvert les activités d’espionnage de Gilbert de Lannoy ? C’est une hypothèse. Mais ces deux hommes travaillent pour le même duc Philippe-le-Bon.

Après 1423, l’archevêque Thiébaud continue de voyager énormément : il est réputé être au concile de Pavie entre 1423 et 1424, il se déplace en Hongrie en 1424 puis en Allemagne en 1425. Et c’est au cours d’un voyage à Rome, en 1429, qu’il meurt inopinément. Il est enterré dans la Basilique Saint-Pierre.

Cependant, entre son retour de Terre Sainte et sa mort à Rome, Thiébaud a fait transformer la vieille église de Charceney : il lui a ajouté la chapelle que nous connaissons aujourd’hui, et la tribune, surmontant le sanctuaire primitif. Il n’y a aucun doute sur la paternité de Thiébaud de Rougemont concernant l’extension de la chapelle : premièrement, parce que ses armes décorent certaines clés de voûte de cette extension, deuxièmement, parce que les historiens les plus anciens de Franche-Comté lui ont toujours attribué cette construction, au motif de son pèlerinage en Terre Sainte, et troisièmement, l’analyse scientifique des charpentes de la chapelle et de la tribune a montré que certains éléments dataient de 1428/1429.

La réalisation de la chapelle, en forme de croix grecque et avec une abside circulaire, est tout à fait originale. On la retrouve également dans l’actuelle église paroissiale de Rougemont (25) qui était alors la chapelle du château de la famille de Thiébaud de Rougemont. Quelle fut l’intention de l’archevêque à Leffond ?
L’hypothèse actuelle est qu’il a voulu réaliser un mémorial de son pèlerinage et un possible lieu pour sa propre sépulture.
En effet, premièrement, la tradition historique a toujours attribué la construction de Notre-Dame de Leffond au retour du pèlerinage de Thiébaud à Jérusalem. C’est une tradition constante.
Deuxièmement, le plan en croix grecque et l’abside circulaire reproduisent schématiquement le Saint-Sépulcre de Jérusalem tel qu’il était à l’époque croisée, où la tombe prévue dans l’abside se trouve à la place du tombeau du Christ. Notre-Dame de Leffond serait donc un monument annonçant la Résurrection du Christ, à laquelle participerait le défunt enterré dans l’abside.
Troisièmement, nous connaissons au XVIe siècle et au XVIIIe siècle une grande procession annuelle partant de Gy à Leffond le lundi de Pâques. Cette date ne peut pas avoir été choisie au hasard, la liturgie étant par essence conservatrice. Le seul motif qui peut justifier une telle procession est qu’il s’agit de la date de la consécration de la nouvelle église de Leffond – consécration dont les croix se voient encore dans la chapelle. On ne connaît pas d’autres dates de pèlerinage ou de fête à Leffond ou à Charcenne. Ainsi, la fête de l’église de Notre-Dame de Leffond est-elle le lundi de Pâques, jour le plus proche possible du jour de la Résurrection du Christ. D’ailleurs, une tradition très ancienne consiste à se rendre le matin de Pâques en procession auprès d’une statue de la Vierge Marie pour lui annoncer la bonne nouvelle de la Résurrection de son Fils. Tel a pu être le motif de la procession de Gy à Leffond.

En conclusion, les témoignages historiques, l’architecture et la liturgie convergent vers l’identification de l’Église de Thiébaud de Rougemont comme réplique du Saint-Sépulcre, dont la date de consécration est le lundi de Pâques. Il aurait souhaité en faire son propre tombeau.      

Autre élément remarquable, dû à Thiébaud, est la tribune qui surplombe l’église. L'archevêque pouvait y accéder au moyen de l'escalier qui part de l'ancien sanctuaire.
Trop d’hypothèses ne permettent pas actuellement de proposer une explication certaine de l'usage de cette tribune. On peut simplement relever que, de l’assise située au Nord, il est possible de voir l’autel de la chapelle. Inversement, la porte qui donne au nord, aujourd'hui murée, devait donner sur une tribune en bois - probablement pour y prêcher.
Ce type de tribune se retrouve fonctionnellement dans l’architecture des chapelles palatines, notamment celle d’Aix-la-Chapelle et celle de Compiègne. La noblesse bourguignonne était habitée par le désir de restaurer le royaume de Lothaire, et il est possible que l’architecture carolingienne ait pu être pour elle une source d’inspiration. Nous n’en savons pas plus à ce stade.

1467 - La villégiature de Charles de Neufchâtel?

Après la mort de Thiébaud, le projet de Notre-Dame de Leffond entre en sommeil et les témoignages historiques se font plus rares. 

Il est possible qu'un prêtre, peut-être ermite, ait été gardien du lieu jusqu'en 1466. Ce serait le personnage enterré dans la chapelle. Mais nous savons maintenant que les sols actuels sont très récents et abaissés par endroits de plus de 20 ou 30 cm par rapport au niveau des sols romans ou du XVe siècle. Toutes les tombes encore signalée vers 1837 ont disparu.

Cependant, il est certain qu'en 1467, de gros travaux d'agrandissement et d'embellissement sont entrepris à Leffond. Le mur sud de la nef est abattu pour être déplacé plus au sud. La nouvelle charpente de la nef date de cette époque. L'installation de cette charpente condamne dès lors la tribune de prédication.

Ces travaux ont pu être entrepris par l'archevêque Charles de Neufchâtel dont il est dit qu'il appréciait venir près d'Autoreille, ou plus probablement à Leffond? Il est possible que ce soient ses armes qui marquent la clé de voûte du cœur. En 1478, malheureusement, ayant trahi l'Empire pour la France, il est déchu de ses dignités d'Empire et doit s'exiler à la cour de Louis XI, jusqu'à sa mort en 1498. Il est resté cependant un grand archevêque réformateur du diocèse.

16ème - 17ème siècle – Leffond successivement prieuré, ermitage, et cure paroissiale

Par la suite, nous savons qu’en 1530 la ville de Gy finançait déjà la procession annuelle à Notre-Dame de Leffond et qu’en 1538, y vivait un moine-ermite bénédictin « habile théologien » que l’abbé de Saint-Paul de Besançon appela à Montbéliard pour débattre avec le luthérien Pierre Toussaint. La même année le Vicaire Général a noté dans ses tablettes que l’abbaye bénédictine de Saint-Vincent de Besançon envoyait ses novices à Leffond comme pensionnaires.

Les bénédictins ne restèrent pas longtemps, puisqu’en 1575, le chapitre métropolitain – alors propriétaire de Leffond – y installera un dénommé Artus d’Artois comme ermite.

Il est probable que Notre-Dame de Leffond eut à subir des dommages importants à la fin du XVIe siècle vraisemblablement en raison du manque d’entretien, le sanctuaire ne disposant pas ou de peu de revenus. Martin Menestrier, originaire de Courcuire, recteur de l’église de Charcenne, dit y avoir vécu trente ans entre 1584 et 1614 et, regrettant une période plus faste, a trouvé d’abord les bâtiments dans un grand état de délabrement, avant de les restaurer intégralement, avec ses pauvres moyens.

Dans le même temps, les comptes de la ville de Gy mentionnent chaque année, entre 1607 et 1647 les dépenses liées à la procession du lendemain de Pâques. De fait, Notre-Dame de Leffond semble avoir trouvé à cette époque un grand rayonnement.

Ainsi, en 1628, Joachim de Vienne, dit de Bauffremont y fonde une messe annuelle pour la mémoire de sa femme Marguerite de Coligny.
En 1629, à l’occasion d’une épidémie qui entraîna le confinement de Besançon, deux chanoines furent autorisés à rejoindre Gy, après avoir effectué un temps de quarantaine à Leffond. Ces deux chanoines étaient le vicaire général et l’official du diocèse.
En 1651, l’archevêque Claude d’Achey mentionne Notre-Dame de Leffond dans son rapport de visite épiscopale. Il signale une église à Charcenne consacrée à l’Assomption de la Vierge Marie, et Notre-Dame de Leffond, qui contient deux chapelles latérales et une troisième très abîmée. Elle abrite néanmoins une « image de la Vierge autrefois célèbre en miracles ».
En 1660, l’Inquisiteur de Besançon, qui avait fort à faire à Gy, demande qu’une procession soit faite à Notre-Dame de Leffond pour lutter contre les sorciers. L’année suivante Joachim de Marmier fonde une messe chantée, tous les mercredi et samedi, avec les litanies de la Sainte-Vierge et le Salve Regina, et demande qu’une lampe soit tenue perpétuellement allumée devant l’image de Notre-Dame.

Cette période faste cessa vers 1665-1668 : Notre-Dame de Leffond fut dévastée. Les armées de conquête française font des ravages en Franche-Comté. Nous savons qu’en 1674 le village de Charcenne est complètement détruit. En 1675, le vicaire général a noté sur ses tablettes que Notre-Dame de Leffond tombait en ruines...

17ème - 18ème siècles – Le renouveau de Notre-Dame de Leffond, ermitage et cure

Le renouveau arrive par le projet d’installation de la toute nouvelle congrégation diocésaine des Ermites de Saint-Jean-Baptiste, en 1696.
Le chapitre métropolitain décide alors de relever les bâtiments. Cependant, le bail stipulait que lesdits ermites devaient être prêtres, au moins pour l’un d’entre eux. C’est une particularité notable de Notre-Dame de Leffond, sans doute eût égard au fait qu’il ne s’agit pas d’une chapelle mais en réalité d’une église consacrée. (C’est ainsi que l’historien Dunod la désignera en effet, comme "église", dans son exposition des biens de l’Église diocésaine, en 1750).
Mais, comme les Ermites de Saint-Jean-Baptiste étaient essentiellement des laïcs, ils ne purent honorer la clause spécifique, et le chapitre métropolitain confia Notre-Dame de Leffond au Sieur Claude-François Serrette, prêtre.

L’embellie fut de courte durée puisqu’il fut question dès 1735 que le chapitre métropolitain fasse don de Notre-Dame de Leffond aux paroissiens de Charcenne pour en faire une cure, charge revenant à ces derniers de l’entretenir. Les tractations durent traîner en longueur puisqu’en 1742 le chapitre – manifestement toujours propriétaire des lieux – constate « l’état de ruine » de la chapelle.

Pour autant, à partir de 1744, on constate un renouveau, et plusieurs travaux sont entrepris. La date de 1744 se retrouve sur le linteau actuellement serti dans le mur du clos, au Nord. On peut y lire (en partie en latin) : « Dieu bénisse cette maison – En toi Seigneur j’espère – en tous temps 1744 ».
Surtout, entre 1749 et 1753, il est décidé de transformer la nef de l'église en cure. On abat alors le pignon ouest, on perce des portes et fenêtres (les fenêtres les plus anciennes datent de cette époque), une partie de la charpente est refaite, et on adjoint au bâtiment, en même temps, la grange qui prolonge l’ermitage à l’Ouest. 

De fait, nous retrouvons Notre-Dame de Leffond à nouveau desservie par un prêtre-ermite dans les années 1750-1760. Il est fait mention de cet ermite dans la correspondance échangée entre le Révérend Père Outhenin, Visiteur général des Minimes, et son frère, curé d’Avrigney.
Le sanctuaire rayonne à nouveau et peut s’honorer de recevoir en offrande une relique de la Sainte Croix, vers 1767. Cette relique appartient maintenant à la commune de Charcenne. L’année suivante, l’abbé Michel Serette écrit son testament dans sa cure de Leffond. Sans doute était-il l’ermite que les frères Outhenin évoquaient dans leurs échanges épistolaires.

Nous sommes alors arrivés au seuil de la Révolution, où les biens seront vendus, la chapelle profanée, l’antique « image » (c’est à dire la statue en bois) de Notre-Dame de Leffond brûlée, ainsi que tous les ornements de la chapelle. Et c’est une autre histoire qui commence, ou plutôt, qui continue.