Saint Charles Borromée, le cardinal qui soignait les
malades de la peste
Thérèse Puppinck - Aleteia
© Leemage via AFP
En 1576, alors que la ville de Milan est ravagée par la
peste, saint Charles Borromée, célébré par l'Église ce 4 novembre, fait preuve
d'un dévouement extraordinaire auprès des malades et mène des actions rapides
pour limiter la propagation du mal.
Saint Charles Borromée est un des grands prélats italiens du
XVIe siècle. Il est connu pour sa participation active au concile de Trente,
notamment dans la rédaction du célèbre catéchisme appelé aujourd’hui catéchisme
du concile de Trente. Dans son diocèse de Milan, saint Charles eut à cœur de
faire appliquer la réforme catholique issue du concile dans un esprit de
charitable pédagogie. Toutefois, les Milanais se souviennent davantage de son
action énergique et spectaculaire lors de la terrible peste qui ravagea la
ville durant les derniers mois de l’année 1576.
Dès le début de la propagation de cette redoutable maladie,
que la médecine de l’époque ne sait pas soigner, l’évêque propose son
assistance aux autorités civiles, et il conseille le gouverneur pour mettre en
place les premières mesures prophylactiques destinées à limiter la propagation
du mal. Immédiatement, on décide la fermeture des portes de la ville afin
d’empêcher l’arrivée de nouveaux pestiférés, car la maladie vient des villes
environnantes. Autre mesure élémentaire pour restreindre la contagion : séparer
les malades des biens portants. Ainsi, à la moindre suspicion de peste, les
habitants sont envoyés au lazaret. Mais rapidement, celui-ci ne suffit pas, et
les autorités organisent la construction, en dehors de la ville, de plusieurs
centaines de cabanes pour recevoir les malades.
De la santé du corps à la santé de l’âme
Saint Charles ne conçoit pas de laisser les pesteux et les
mourants sans réconfort. Il sait combien le soutien affectif, et surtout
spirituel, est fondamental en période d’épidémie. La santé de l’âme est plus
importante que celle du corps, estime le pieux évêque. A quoi bon soulager le
corps si l’âme est malade ? Il décide alors d’aller tous les jours visiter les
pestiférés pour les réconforter, les confesser et leur donner la sainte
communion. Son courage et son élan de générosité entraînent d’autres prêtres et
religieux. Progressivement, ces ecclésiastiques viennent à leur tour apporter
les secours de la religion aux malades, qui, sans eux, seraient dans une
profonde solitude et une profonde détresse.
L’acceptation du risque de la maladie par amour de Dieu et
des âmes n’empêche pas l’évêque de Milan de suivre les recommandations
médicales pour se protéger et empêcher la contagion. Ainsi, Charles désinfecte
toujours ses vêtements au vinaigre, et il refuse désormais de se faire servir,
ne souhaitant pas exposer les serviteurs du palais épiscopal. Comme il risque
chaque jour d’être infecté, il se promène avec une longue baguette qui lui
permet de maintenir une distance de sécurité quand il rencontre des biens
portants. Il préconise les mêmes mesures préventives à tous ceux qui approchent
les pestiférés. Mais plus que tous les moyens terrestres, Mgr Charles Borromée
s’abandonne totalement à la volonté de son Père céleste. Il encourage les
prêtres à conserver une âme à la fois ardente, entièrement dévouée à leur
ministère, et tranquille, pleinement confiante en Dieu. Force est de constater
que sa confiance ne fut pas vaine, puisque, malgré une exposition quasi
journalière à la maladie, Charles ne fut pas atteint par la peste.
Un confinement strict
Au mois d’octobre, quelques semaines après le début de
l’épidémie, les autorités civiles publient un édit de quarantaine : interdiction
est faite à tous les habitants de sortir de leur demeure, sous peine de mort.
L’isolement profond entraîné par ce confinement, la crainte du mal toujours
menaçant, la préoccupation du sort des parents et des amis, les premières
atteintes de la maladie, tout contribue à aggraver encore plus la détresse des
Milanais. Leur pasteur sent combien cette situation est douloureuse pour le
cœur, mais aussi dangereuse pour l’âme. Il décide de réagir en conséquence et
commence par prévenir la municipalité que ses prêtres ne vont pas respecter la
quarantaine. Le gouverneur, qui a déserté la ville quelques jours après le
début de l’épidémie pour se réfugier à la campagne, se retrouve impuissant face
à la détermination de Charles. De plus, il comprend les bienfaits d’une
présence spirituelle pour maintenir la santé morale des habitants. L’évêque
répartit ensuite les équipes sacerdotales entre le ministère des pestiférés et
le ministère des confinés, et il cherche les moyens de transmettre aux fidèles
les grâces sacramentelles malgré le confinement.
Tout d’abord, saint Charles incite les habitants à une
prière plus fréquente et plus intense, en leur proposant des lectures
spirituelles et la récitation des litanies. Puis il fait sonner les cloches de
la ville sept fois par jour, afin d’inviter les habitants à se recueillir tous
ensemble au même moment. Des prêtres déambulent dans les rues en priant à voix
haute, et les fidèles, de leurs fenêtres, leur donnent la réplique. Quand ils
souhaitent se confesser, ils appellent le prêtre qui les confesse alors sur le
pas de la porte. Enfin, Charles fait construire à travers la ville dix-neuf
colonnes surmontée d’une croix. Un autel est installé au pied de chacune
d’elle, et la messe y est célébrée tous les jours. Postés à leurs fenêtres, les
habitants peuvent se tourner vers les croix dressées dans le ciel, et prendre
ainsi part aux messes. Les prêtres portent ensuite la communion aux fidèles, à
travers les fenêtres ou sur le pas des portes. La quarantaine est partiellement
levée à la fin du mois de décembre et la peste quitte progressivement la ville
durant les mois suivants.
Charles Borromée mourut en 1584 ; il fut canonisé dès 1610.
Son action à Milan contribua à la reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus.
Pendant ces semaines éprouvantes d’épidémie, saint Charles n’hésita pas à
bousculer les règlements et les conventions sociales, et il eut le courage de
risquer sa vie, par amour du Christ et des âmes. Son dévouement auprès des
prêtres et des fidèles de son diocèse lors cette épidémie lui a valu d’être
déclaré saint patron des évêques.